ETUDE SUR L’ELEVAGE DU VERDIER D’EUROPE (Carduelis Chloris)
EN NOUVELLES COULEURS
Elevage, texte et photos Jean-Michel EYTORFF
(Copyright associé à l’article et aux photos publiées)
Lors d’un précédent article, je vous présentais une nouvelle mutation en cours de fixation chez le Verdier d’Europe (Carduelis chloris), apparue dans mon élevage, la mutation Jaune bec jaune. Je supposais alors que son hérédité était récessive autosomale, et les accouplements envisagés pour la saison 2010, devaient confirmer ou infirmer mes observations. Cette nouveauté, apparue chez la mutation dénommée « Pastel aile grise », me semblait prometteuse et j’espérais pouvoir combiner cette nouveauté génétique avec des mutations comme l’isabelle, l’agate ou le brun. Je rêvais également d’une combinaison de l’isabelle Pastel avec le facteur jaune bec jaune. Dans tous les cas de figures, il fallait envisager un crossing over permettant de fixer les deux facteurs sur un même phénotype. Je me donnais en réalité deux années pour réussir, mais la chance en décida autrement, puisque dès 2010, la première isabelle pastel Jaune bec jaune naissait dans mes volières. J’ai donc le plaisir de vous présenter cette réussite, que je trouve particulièrement belle et spectaculaire.
Hérédité :
La mutation Jaune bec jaune est bien récessive autosomale, divers accouplements expérimentés durant la saison ont confirmé cette hérédité.
« Ailes grises » porteur de Jaune bec jaune X « Ailes grises » porteur de jaune bec jaune :
Tous les jeunes mâles et femelles sont «ailes grises » classiques ou «ailes grises » jaunes bec jaune en simple et double dilution.
«Ailes grises » simple dilution jaune bec jaune X Isabelle Pastel
Jeunes mâles :
Vert (phénotype sauvage) porteur de jaune bec jaune et d’isabelle pastel
«Ailes grises » simple dilution porteur de jaune bec jaune et d’Isabelle pastel
Jeunes femelles :
Vert (phénotype sauvage) porteur de jaune bec jaune
«Ailes grises » simple dilution porteur de jaune bec jaune
Pourquoi j’utilise le terme de simple dilution et double dilution concernant la mutation «Ailes grises » ?
Au niveau génétique :
Il existe un facteur pastel dont l’hérédité est liée au sexe et récessive. Ce facteur a été fixé chez l’agate, le brun, l’isabelle et le vert, pour donner : l’agate pastel, le brun pastel, l’isabelle pastel et le vert pastel. La mutation pastel dont l’hérédité est comparable au facteur pastel du canari a été élevée pour la première fois en Belgique, il y quelques années.
La mutation « Pastel ailes grises », dont l’origine est Espagnole, a par contre une hérédité dominante autosomale. Hérédité donc en rien comparable avec le facteur pastel fixé chez le Chardonneret (Carduelis carduelis), le sizerin (Carduelis flammea), le Bouvreuil (Pyrrhula pyrrhula ), ou encore le canari (Serinus canaria).
La mutation « Ailes grises » est également appelée « Pastel ailes grises ».
Au niveau visuel, ou phénotypique :
La dilution observée chez les «Ailes grises » ressemble effectivement à une dilution pastel. La mutation pastel ralentit la mélanisation et le dépôt de mélanine. Cependant il existe chez la mutation «Ailes grises » des sujets présentant une mélanine répartie différemment.
Certains sujets présentent des ailes grises marginées, avec une mélanine localisée à l’extrémité des rémiges et des rectrices, plus ou moins foncée. Les autres parties de la plume étant entièrement diluée. Chez ces oiseaux le rachis est foncé et tranche avec la dilution de la plume pigmentée à son extrémité.
D’autres oiseaux, montrent des ailes grises zonées, avec une mélanisation en bandes transversales alternant une dilution foncée avec une dilution claire.
Enfin, certains sont intermédiaires, avec une mélanine irrégulièrement répartie.
On observe, chez les « Ailes grises », comme chez le bouvreuil pastel ou le sizerin pastel, différents niveaux de dilution dans une même nichée. C’est peut-être pour cette raison que cette mutation a été nommée pastel.
En ce qui me concerne, après 4 ans d’élevage de la mutation «Ailes grises », je suis convaincu, que nous sommes en fait en présence d’un facteur de dilution comparable à celui fixé chez le tarin des aulnes (Carduelis spinus). Pour preuve, le facteur « Ailes grises » est dominant autosomal comme chez le tarin européen. Ce facteur de dilution affecte particulièrement l’eumélanine noire. De plus, il existe chez le Verdier « Ailes grises », des sujets mutés dominants incomplets (simple dilution) et des sujets mutés dominants complets (doubles dilutions)
Les simples dilutions, ou dominants incomplets sont reconnaissables par une dilution pas très marquée (voir photo). Les double dilutions ou dominants complets présentent une très forte dilution des rémiges et des rectrices (voir photo). Le dominant complet ne peut s’obtenir qu’en accouplant deux dominants incomplets, ce qui voudrait dire que le dominant incomplet (ou simple dilution) est hétérozygote (ou porteur) du facteur dominant complet (double dilution)
La phaeomélanine brune étant plus importante chez certains Verdiers, la double dilution lorsqu’elle s’exprime est moins spectaculaire que celle exprimée chez le tarin des aulnes double dilué (Double dilué vert ou double dilué brun).
Autre remarque, on ne constate pas l’apparition de « lunules » chez le verdier, comme chez le canari pastel aile grise L’appellation « Pastel Ailes grises » ou « Brun Pastel » est à mon avis à revoir. Le terme dilué me semble plus approprié afin de pouvoir distinguer cette mutation du véritable facteur pastel.
J’espère à l’avenir pouvoir combiner le facteur agate, ou le facteur Isabelle avec le facteur de simple dilution et le facteur double dilution, ce qui confirmerait mes observations.
La saison 2011, me permettra je l’espère, d’avancer également dans mes recherches sur cette mutation que je préfère appeler encore pour le moment «Ailes grises».
Dans la suite de cet article je continuerai à utiliser le terme simple dilution et double dilution pour distinguer les différents types d’ « Ailes grises ».
Verdier «Ailes grises » simple dilution jaune bec jaune X Verdier Isabelle pastel
Jeunes mâles :
Verts (phénotype sauvage) porteurs d’Isabelle pastel et de jaune bec jaune
« Ailes grises » simple dilution porteurs d’Isabelle pastel et de jaune bec jaune.
De cet accouplement, on n’obtient pas de vert pastel, preuve que le « Pastel ailes grises » est bien un « Ailes grises » simple dilution et non un pastel.
Jeunes femelles :
Vertes (ou phénotype sauvage) porteuses de jaune bec jaune
« Ailes grises » simple dilution porteuses de jaune bec jaune.
Verdier « Ailes grises » simple dilution jaune bec jaune X verdier Verte (phénotype sauvage)
Jeunes mâles :
Verts (ou phénotype sauvage) porteur de jaune bec jaune
« Ailes grises » simple dilution porteurs de jaune bec jaune.
Jeunes femelles :
Vertes (ou phénotype sauvage) porteuses de jaune bec jaune
« Ailes grises » simple dilution porteuses de jaune bec jaune.
Observation des jeunes au nid :
Dès les premiers jours de la vie des poussins on identifie la mutation jaune bec jaune. Lorsque les jeunes se dressent pour être nourris par les parents, les jeunes jaunes becs jaunes présentent déjà un bec jaune orangé intense, qui tranche étonnamment avec le bec des sujets « classiques » mutés ou non mutés. Le rouge de l’intérieur de la gorge semble plus coloré. A 6 jours, lors du baguage, la prise en main des oisillons permet d’examiner les pattes. La partie cornée est jaune dorée, comme le bec. Lorsque les premières plumes apparaissent, on peut distinguer une intensivité du lipochrome. Si dans un même nid on a un sujet jaune bec jaune et un sujet classique sans bec jaune le contraste est particulièrement spectaculaire. Les photos jointes à l’article vous montrent cette différence. Autre observation, les immatures jaunes bec jaune ne présentent pas de blanc dans leur plumage, car cette nouvelle mutation ne se contente pas de modifier la couleur du bec et de la corne des pattes, elle remplace également la couleur blanche présente dans le plumage de l’oiseau par un jaune plus ou moins intense.
Combinaison de la mutation jaune bec jaune avec la mutation Isabelle pastel.
En 2010 j’ai donc formé un couple :
Mâle « Ailes grises » simple dilution porteur d’isabelle pastel et de jaune bec jaune (Propre élevage 2009) X Femelle « Ailes grises » simple dilution jaune bec jaune (Propre élevage 2009).
L’accouplement mettait en relation 3 hérédités : le facteur « Ailes grises » simple dilution dominant autosomal, le facteur Jaune bec jaune récessif autosomal, et les facteurs isabelle et pastel liés au sexe et recessif.
Les résultats théoriques attendus dans ce cas sont les suivants :
Jeunes mâles :
Vert (ou phénotype sauvage) porteur de jaune bec jaune
Vert (ou phénotype sauvage) porteur d’Isabelle et de pastel, et de jaune bec jaune
«Ailes grises » simple dilution porteur de jaune bec jaune
«Ailes grises » simple dilution porteur de jaune bec jaune, d’Isabelle et de pastel
«Ailes grises » double dilution porteur de jaune bec jaune
« Ailes grises » double dilution porteur de jaune bec jaune, d’Isabelle et de pastel
Vert Jaune bec jaune
Vert jaune bec jaune porteur d’isabelle et de pastel
« Ailes grises » simple dilution jaune bec jaune
« Ailes grises » simple dilution jaune bec jaune porteur d’Isabelle et de pastel
«Ailes grises » double dilution jaune bec jaune
«Ailes grises » double dilution jaune bec jaune porteur d’Isabelle et de pastel
Jeunes femelles :
Vert (Phénotype sauvage) porteuse de jaune bec jaune
« Ailes grises » simple dilution porteuse de jaune bec jaune
« Ailes grises » double dilution porteuse de jaune bec jaune
Vert jaune bec jaune
« Ailes grises » simple dilution jaune bec jaune
« Ailes grises » double dilution jaune bec jaune
Isabelle porteuse de jaune bec jaune
Isabelle jaune bec jaune
Isabelle pastel porteuse de jaune bec jaune
Isabelle Pastel Jaune bec jaune
Comme le mâle est porteur d’Isabelle (donc de brun et d’agate), on peut également obtenir des femelles :
Brune porteuse jaune bec jaune
Brune jaune bec jaune
Agate porteuse jaune bec jaune
Agate jaune bec jaune
Ces mutations et combinaisons de mutations peuvent également être associées avec le facteur « Ailes grises » simple dilution et le facteur « Ailes grises » double dilution. Ces résultats nous rapprochent des nombreuses combinaisons possibles dans l’élevage des mutations de tarins des aulnes. Seule la mutation jaune bec jaune demeure une exception à ma connaissance chez les fringillidés Européens et Exotiques.
Comme vous pouvez en juger, au niveau difficulté, nous sommes proche également des combinaisons de mutations obtenus avec le chardonneret : exemple Agate jaune tête blanche (Agate : facteur lié au sexe et récessif + Jaune : facteur dominant autosomal + tête blanche : facteur récessif autosomal).
Résultats d’élevage :
Première couvée
5 œufs, 1 jeune « Ailes grises » double dilution. Le jeune est élevé par les deux parents, quitte le nid vers le 18° jour, alors que la mère recommence une deuxième ronde.
Le jeune est un mâle «Ailes grises » porteur de jaune bec jaune et possible porteur isabelle et pastel.
Deuxième couvée
4 œufs, 3 fécondés.
2 jeunes « Ailes grises » : 1 simple dilution et 1 double dilution.
1 jeune femelle Isabelle.
Tous ces oiseaux sont porteurs de jaune bec jaune. Le double dilution est un mâle également possible porteur Isabelle et pastel. La simple dilution est une femelle.
Troisième couvée
5 œufs, 4 fécondés. 4 jeunes.
A la naissance, alors que la femelle quitte le nid pour s’alimenter, je fais un rapide contrôle visuel à l’aide d’un miroir. J’identifie immédiatement un oisillon plus clair que les trois autres. Une femelle Isabelle Pastel est née, et par chance présente un bec jaune orangé. Un autre jeune plus foncé possède également un bec jaune. (voir photo)
Il me reste à faire preuve de patience et espérer, car les sujets combinant plusieurs facteurs peuvent être plus fragiles, et surtout quelquefois sont jetés du nid par les parents lorsqu’il sont trop différents des autres jeunes de la couvée.
A 7 jours, je bague les 4 jeunes parfaitement alimentés avec des bagues fermées d’un diamètre de 2.9 mm. La femelle Isabelle pastel jaune bec jaune a une croissance identique aux autres oisillons. Je suis rassuré. Les pattes et le bec de l’Isabelle pastel sont jaunes dorés. Après le baguage, je décide de ne plus contrôler le nid afin de ne pas stresser le couple et mettre toutes les chances de mon côté. Régulièrement j’observe à distance le nourrissage, et je peux distinguer les quatre têtes se dressant à chaque passage des parents.
A 12 jours, je ne peux résister à contrôler le nid. La femelle isabelle pastel Jaune bec jaune, présente déjà un plumage plus jaune qu’un Isabelle pastel classique.
A 17 jours, les 4 jeunes quittent le nid. Deux « Ailes grises » simple dilution porteurs de Jaune bec jaune, une femelle Isabelle pastel jaune bec jaune, et un « Ailes grises » double dilution jaune bec jaune..
L’Isabelle pastel jaune bec jaune, a fait l’objet de beaucoup d’attention et passé le cap de la mue, période délicate pour le verdier, avec succès.
Vous pouvez constater sur les photos combien cette combinaison est spectaculaire, notamment en comparant la photo de l’Isabelle pastel classique avec celle de l’Isabelle pastel jaune bec jaune.
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Pour conclure, j’espère qu’en 2011, d’autres nouveautés verront le jour dans mon élevage, car les champs d’investigations génétiques de ces nouvelles mutations demeurent très vastes.
Compte tenu de ces perspectives, je considère que nous pouvons connaître chez le verdier d’Europe, une évolution importante du nombre des mutations, comme par le passé chez le tarin des aulnes et le chardonneret.
L’avenir nous le dira, ce qui signifie que cet article qui j’espère vous aura intéressé, aura peut-être une suite.
N’hésitez pas à me faire part de vos remarques, observations
Jean-Michel EYTORFF