Après toutes ces années de sélection, le Chardonneret (Carduelis carduelis et ssp) est désormais élevé en grand nombre, et fait partie avec les Verdiers (Chloris chloris et ssp), les Bouvreuils (Pyrrhula pyrrhula et ssp), les Tarins des aulnes (spinus spinus) et les sizerins (Acanthis flammea et ssp), des oiseaux les plus présentés en exposition.
Lorsque j’anime des réunions techniques concernant cette espèce, j’explique toujours qu’un chardonneret est un très bel oiseau et que ses couleurs attirent effectivement immédiatement l’œil de celui qui le regarde. Les chardonnerets, comme le diamant de Gould, ont été doté par la nature de couleurs attractives aussi bien chez le mâle que chez la femelle, ils sont du reste recherchés pour leur beauté ainsi que leur chant. Mais je précise également, qu’en exposition la richesse des couleurs n’est pas suffisante pour remporter un podium, et que de nombreux critères sont pris en compte par le juge pour le classement final. Car si tous les chardonnerets sont beaux pour leurs éleveurs, pour une exposition et le gain d’un titre, voire d’un podium, la sélection est importante, et ils n’entre pas tous dans le cercle limité des champions…
Avec ce reportage j’aborde le sujet de la sélection des reproducteurs et des oiseaux de compétitions, car dans la plupart des cas, ce n’est pas avec des parents non conformes aux standards que l’on obtient des sujets « Best in Show ». Des défauts importants peuvent en effet se transmettre de génération en génération.
La fiche de jugement de l’OMJ, Ordre mondial des juges, détaille les catégories suivantes :
Couleur 30 points, Dessin 30 points, taille et maintien 20 points, plumage 10 points, condition 10 points. Si la sélection est mauvaise, si la préparation est négligée, l’oiseau perdra des points importants dans ces différentes catégories.
Je vous propose donc, avec le support de photos que j’ai réalisé, d’illustrer les principaux défauts, et ils sont nombreux, que l’on rencontre chez un chardonneret, quel que soit sa sous-espèce.
Commençons par cette première photo. Ce mâle de la sous-espèce major, en mutation brune tête blanche (combinaison du facteur brun lié au sexe et récessif avec le facteur tête blanche récessif autosomal) présente des traces orangées dans le masque, ainsi que des rémiges usées. On remarquera les incrustations oranges dans le cou typiques du facteur tête blanche. Les porteurs de tête blanche présente également des incrustations dans le cou. Ces dernières sont alors fautives. On aperçoit les petites couvertures alaires de couleur jaune au lieu de brun foncé, autre caractéristique du facteur tête blanche. La forme est correcte. La plume un peu longue sur les flancs et au niveau de la poitrine.
Ce mâle Chardonneret en mutation brune tête blanche présente une forme disgracieuse. La tête n’est pas en harmonie avec le reste du corps. Les traces orangées dans le collier sont normales et liées à la mutation tête blanche récessive autosomale. Le masque est dentelé et bicolore. Le plumage est lâche et cassant. La condition très moyenne.
Ce sujet femelle en mutation Isabelle tête blanche peut attirer l’œil, car les contrastes de couleurs sont bien marqués. Oui mais : son masque est irrégulier et déborde sur la calotte, il est bicolore, on distingue des incrustations foncées fautives dans la calotte, sa plume n’est pas collée au corps voire un peu longue. Les rémiges et les rectrices sont usées en bordures.
Chez ce mâle Isabelle on note également un problème de forme. L’oiseau manque de structure, de rondeur. Il présente une cassure à la nuque disgracieuse. Le dessin de masque est correct mais pourrait être plus net encore et bien coloré avec cependant quelques légères incrustations oranges fautives. Le dessin de croix que l’on voit partiellement descendre de la calotte vers le cou est irrégulier. La couleur Isabelle est correcte sachant qu’une photographie au flash par rapport à une photographie en lumière naturelle à tendance à modifier les nuances, et notamment la phaeomélanine.
Les ailes de ce chardonneret se croisent sur le haut du croupion. C’est un défaut majeur au niveau structure. On observe une rectrice en cours de pousse . Point important, un chardonneret doit toujours présenter des lunules de queue (tâches blanches allongées sur la partie intérieure de la rectrice). Pour les amateurs d’hybridation, l’hybride doit également présenter des lunules de queue. On notera également l’usure fautive des rémiges et des rectrices.
La forme du bec est également importante. Sur ce sujet agate, le bec est incurvé et un peu long et très disgracieux. Le masque est bicolore et irrégulier. Le dessin de croix est bien marqué ce qui est logique pour un agate, mais pourrait être plus net. On observe également des plumes de cou un peu longue (comme chez certains canaris Glosters)
Autre exemple de problème de bec chez cet Agate tête blanche. Je ne recommande ce type d’oiseau pour la reproduction. Pour revenir à une structure de bec « normale » il faudra une sélection rigoureuse et quelques années de travail avec un partenaire ne présentant pas ce défaut. Les petites couvertures jaunes de l’épaule sont très visibles sur la photo et ne sont surtout pas pénalisables.
Le même oiseau. A part le bec un peu fin et qui se déforme à l’extrémité, c’est un oiseau correct. Les problèmes de becs sont bien souvent la conséquence d’accouplements entre sous-espèces, ainsi qu’entre oiseaux intermédiaires. On distingue les quelques plumes orangées dans le masque. Après quelques semaines le masque deviendra uniforme, la mue étant terminée. On voit bien sur la photo les dessins de queue.
Cette femelle Agate tête blanche est à mon sens plus harmonieuse et plus représentative du type de structure à rechercher. On notera que le masque est bicolore, le plumage un peu long , et certaines rémiges en cours de pousse. Le dessin du masque est correct, et on ne distingue pas de traces de pigment pénalisables au niveau du cou et de la calotte.
Ce mâle Isabelle montre un bec dont l’extrémité est affinée. Le masque est bicolore avec un dessin un peu irrégulier. Le dessin de croix au niveau de la nuque pourrait être plus net.
Le dessin de masque de cet agate est très correct, mais légèrement bicolore au moment de la prise de photos..
Cette photo est très intéressante car elle montre la présence de rouge dans le collier blanc de ce chardonneret de couleur ancestrale, preuve qu’il est porteur de tête blanche. Ce type d’oiseau ne peut jouer le podium. Pour compléter les observations le concernant : masque irrégulier et bicolore, dessin de croix mal dessiné et irrégulier. Forme du bec incurvée. Plumage flou et long. Aucune chance en exposition…
Chez cet aminet, le dessin de croix est mauvais, car irrégulier, voire même interrompu. On observe une ouverture du plumage dans le dos.
Autre exemple de dessin de croix irrégulier. Le bec est correct. On notera l’ouverture du plumage au niveau du sourcil ainsi que les traces bicolores dans le masque. Petite parenthèse concernant l’agate et l’aminet. L’agate est gris et l’aminet couleur sable. On note également des variation de phénotype si l’agate ou l’aminet est porteur de satiné. J’aurai l’occasion de revenir sur ces couleurs dans un prochain reportage.
Un bon exemple de masque large et spectaculaire chez ce mâle. Le masque est bicolore. On peut observer que ce chardonneret présente une structure très forte, voire trop forte . Le plumage est long et on distingue au niveau des yeux la présence de « cornes » formées par les petites plumes de la calotte. Un oiseau de travail mais pas d’exposition.
Autre défaut et caractéristique d’une plume longue, « le coup de vent ». Cette ouverture disgracieuse se retrouve bien souvent dans la descendance si on ne sélectionne pas précisément les reproducteurs.
Chez ce sujet en mutation aminet, on peut noter une ouverture dorsale du plumage, un dessin de croix pas assez net, une usure importante des rémiges. Des traces orangées dans le masque.
Gros plan sur l’ouverture du plumage sur la partie dorsale et l’usure des rémiges.
Gros plan sur une usure importante des rémiges au niveau des miroirs alaires.
Un Chardonneret major doit avoir du volume, mais ce n’est pas (encore) un oiseau de posture. Le Chardonneret major dans la nature ne présente pas une plume anormalement longue. Certes il faut travailler les accouplements au niveau de la couleur, mais sans oublier la qualité de plume. Une plume longue avec une plume longue ne donnera pas une plume courte. On observe en exposition des Verdiers, Chardonnerets, ou encore Bouvreuils qui sont très éloignés de la forme sauvage. La sélection est passée par là et confirme la domestication de ces espèces, mais attention aux dérapages non contrôlés, car il faut des années pour retrouver des oiseaux avec une plume correcte, même en introduisant de nouveaux sujets dans l’élevage présentant les caractéristiques souhaitées. Une règle, on ne peut pas élever des oiseaux d’exception avec des oiseaux trop éloignés des standards.
Le dessin de croix et le masque (bicolore) semblent corrects. C’est un porteur de tête blanche (trace d’orange dans la nuque à la base de la croix) On voit le coup de vent à la poitrine et les rémiges « en vrac ». Les rectrices sont en cours de repousse. Cet Isabelle qui au demeurant peut paraître beau ne dépassera pas les 87/88 points même si la tonalité est correcte.
La couleur ancestrale de ce Chardonneret est convenable, « le champignon « de la poitrine manque de netteté. Il manque une bonne partie des rémiges de l’aile droite. Le masque est irrégulier et bicolore. Le masque large et étalé de l’oiseau fait penser à un porteur de la mutation tête blanche, mais ceci n’est pas contrôlable sur la photo dans la mesure ou la nuque de l’oiseau n’est pas visible. La forme du bec est mauvaise. Et pour terminer la plume est lâche sur les flancs. Sans vouloir choquer, un 86 points est généreux.
La présence des lunules de queue est un élément indispensable à prendre en compte dans le jugement des chardonnerets. Sur la photo, comme la queue est ouverte, on les distingue parfaitement. Si elles sont absentes, soit il manque des rectrices, soit l’oiseau présente une anomalie de plumage. Dans les deux cas il y a sanction de la part du juge.
Autre exemple de lunules de queue
Le Chardonneret en mutation jaune (facteur dominant autosomal), a connu une période d’oubli. La principale raison, une plume bien souvent cassante et un masque bavant sur la poitrine. Depuis deux ans, il est beaucoup plus présent en exposition, mais bien souvent le facteur jaune est combiné avec de l’agate, du satiné du brun, de l’isabelle (facteur lié au sexe et récessif)….et avec également parfois le facteur tête blanche (facteur récessif autosomal). La combinaison de ces différents facteurs améliore sensiblement la plume et donc l’aspect de l’oiseau. Pour un jaune dominant, ce mâle chardonneret ancestral présente un masque plutôt bien dessiné et une qualité de plume correcte.
Du façon générale Il est important de connaitre l’espèce ou la sous-espèce que l’on élève. L’élevage d’oiseaux intermédiaires sans véritable sélection ne peut être qualitatif et donc compétitif. Lorsque je parle de sujets intermédiaires, je fais référence aux croisements de parvas avec Britannicus, d’élégants avec parvas, d’élégants avec majors, etc…Ces intermédiaires peuvent être utilisés en élevage avec un but précis comme l’introduction d’une mutation présente chez l’élégant dans sa sous-espèce major. Cependant, ces oiseaux demeurent des oiseaux d’élevage, de travail, et jamais des oiseaux pouvant aller chercher un podium dans une grande exposition. En photo la sous-espèce britannicus qui présente beaucoup de phaeo dans le plumage y compris dans le blanc des joues et de la gorge. Pour terminer, si vous vous interroger sur l’apparence d’un sujet intermédiaire, reprenez les photos commentées dans ce reportage, et notamment celles faisant référence à la forme (bec, tête, structure….) comme les photos numéro 2 et 3, elles illustrent parfaitement ce commentaire.. Le sujet en photo est correct, mais sans plus. le dessin de masque pourrait être plus net, il y a quelques plumes orangées dans le masque, le champignon de la poitrine manque de netteté, le plumage est un peu flou. On est sur du 88 points…
Pour finir, quelques photos d’oiseaux types qui se rapproche de ce que l’on recherche en jugement. Malgré un dessin de masque et de croix qui pourrait être encore plus précis, et une légère usure des miroirs, ce chardonneret Isabelle pourrait en fonction de la concurrence jouer le podium.
Type de masque que l’on recherche chez un chardonneret. En fonction de la sous-espèce, il pourra être plus large, mais il doit être précis.
Cet Isabelle satiné (facteur lié au sexe et récessif) est un bel oiseau. La structure est harmonieuse. Le masque est très beau et le dessin de croix semble bien dessiné (la photo ne montre pas la calotte, donc au vu de la qualité du dessin de cou, je suppose qu’il est bien dessiné). Pour les connaisseurs, un oiseau de mon regretté ami, Louis Paquot.
Un autre sujet élevé par Louis Paquot. Ses oiseaux se plaçaient chaque année sur les podium des mondiaux. Quand un oiseau de cette qualité arrive sur la table du juge, il va directement jouer le podium avec les autres meilleurs sujets de sa catégorie.
Pour conclure, un conseil de juge, mais surtout d’éleveur. Soyez sévère avec la sélection de vos reproducteurs. On n’élève pas des beaux oiseaux avec des reproducteurs qui présentent des défauts majeurs. Si vous avez des oiseaux avec certains défauts légers présentés dans ce reportage, recherchez un partenaire compensant le défaut que vous voulez corriger. Pour les défauts importants, prenez la décision de repartir la saison suivante avec d’autres sujets. Même si vous ne souhaitez pas exposer vos oiseaux, concentrez vous sur la sélection et la qualité, plutôt que la quantité. Et pour vos futurs achats ou échanges, visualisez ce reportage une nouvelle fois pour avoir en tête les oiseaux qui ne sont pas recommandés pour votre élevage.
La vidéo présentée à la fin de ce reportage a été réalisée à Reggio Emilia. Le Chardonneret major exposé à été Best in Show lors de ce championnat international. Il est fabuleux, il a tout : une superbe couleur, un masque parfait, un champignon très bien dessiné, une tonalité parfaite….Spéciale dédicace à mon ami Paolo Gregorutti pour cette réussite en élevage.