ACCLIMATATION ET LOGEMENT:
C’est en octobre 1990, que j’ai fait ma première rencontre avec le bouvreuil à tête grise. Au hasard d’une visite à une exposition mon attention s’est portée sur la volière d’un marchand où se trouvait un couple fraîchement importé de Tête Grise. Alors que ma visite ne m’avait pas jusqu’à ce moment passionné (trop peu d’oiseaux se rattachant à la faune européenne), le temps s’est arrêté et j’ai dû rester près d’une heure à observer ces oiseaux que je ne connaissais jusqu’alors que par les planches en couleur de J. GOULD ou les notes de C. ARMANI.
Contre toute attente, je n’en ai pas fait l’acquisition car les deux sujets n’étaient pas en bonne condition et se goinfrait de gruau d’avoine. Leur plumage était rêche et terne et j’ai décidé un peu à contre cœur d’écouter la voix de la raison et de ne pas les acheter.
J’ignorais alors que le bouvreuil à tête grise allait être importé massivement durant tout l’hiver pour la première fois en Europe.
C’est dans le courant du mois de novembre qu’un ami m’a téléphoné pour m’apprendre qu’il venait d’acquérir pour moi deux couples de bouvreuils à tête grise. Les oiseaux venaient d’être importés et étaient en apparence en parfaite condition. J’avais la chance de disposer d’un couple d’adultes et d’un couple de jeunes oiseaux. Le jeune mâle n’avait pas terminé sa mue et n’était pas encore totalement en couleur. Les bouvreuils ont été logés en volière extérieure car le mois de novembre n’était pas particulièrement froid. Ils étaient logés par couple en volière de 2,5 m. de hauteur, 2 m de profondeur, et environ 1 m. de largeur. Les volières étaient agrémentées de branches de thuyas et de sapin fraîchement coupées.Le mélange de base distribué est celui de mes bouvreuils en mutation de couleurs et se compose d’alpiste, navette douce, niger, lin, chènevis, tournesol, cardy, sarrasin, mélange de santé, graines sauvages, millet rond, graines d’arbres, baies séchées, perilla gris. Je distribue également du millet en grappe. Le gruau qui constituait la base de leur alimentation chez l’importateur est totalement banni. Tous les jours j’observe les mangeoires et constate quelles sont les graines consommées. La préférence va au niger ainsi qu’au chènevis, quelques graines de navette sont touchées ainsi que quelques graines de santé. Le tournesol, le cardy, le sarrasin sont boudés. Les oiseaux ne semblent pas avoir assez de force pour briser ce type de graines, ce qui m’intrigue beaucoup. Après quelques jours, je comprends qu’il se passe quelque chose. Le plumage des bouvreuils devient rêche, certains sujets présentent comme des crampes aux pattes, l’examen plus approfondi (prise en main) révèle un ventre rouge et des traces de fientes liquides. Compte tenu de mon expérience avec les bouvreuils européens, je diagnostique une coccidiose aigüe. Les bouvreuils sont placés en intérieur (environ 20 degrés), avec en traitement curatif un sulfamide, donné en alternance avec un complexe polyvitaminé. Au bout d’une semaine il s’avère que j’ai eu le bon reflex puisque les bouvreuils ont retrouvé leur forme et les mâles commencent à chanter.
Comme un malheur n’arrive jamais seul, le fait de les avoir rentrés pour les soigner plus efficacement a provoqué une fausse mue. Les oiseaux ne retrouveront leur magnifique plumage que fin décembre. Ces différents problèmes rencontrés ne me permettent pas d’envisager la saison 1991 avec la moindre chance de reproduction. Aussi je concentre mes efforts sur l’acclimatation des bouvreuils. Au fil des jours le régime de base distribué est de mieux en mieux accepté. Les graines de cardy, tournesol et sarrasin sont régulièrement broyés, preuve que la puissance de leur bec est de nouveau opérationnelle.
Les bouvreuils à tête grise sont particulièrement calmes et familiers (plus familiers que certains de mes bouvreuils européens domestiqués depuis des générations).
Début mars, les deux couples sont logés en extérieur dans les volières préalablement décrites, tout se passe bien. Un matin alors que je distribue des baies de pyracanthas aux différents oiseaux de mon élevage, des cris rauques comparables à ceux que pousse la femelle de bouvreuil européen en période d’accouplement se font entendre. Les Bouvreuils à têtes grises ont aperçu les baies rouges de pyracanthas et sont accrochés au grillage de leurs volières. Depuis ce jour, ils ont droit à leur ration hebdomadaire et se font entendre si je les oublie.
Ils acceptent maintenant la même alimentation que les bouvreuils européens et dégustent régulièrement des larves blanches de vers de farine, des buffalos ou encore des pinckies congelés. La saison a commencé et je leur distribue les mêmes graminées sauvages qu’à mes autres bouvreuils.ELEVAGE
Les volières des têtes grises sont renouvelées début avril. Je dispose des fagots de thuyas ainsi que des branches de sapin fraîches. Les bouvreuils s’emploient à extraire les graines de pommes de pins présentes sur certaines branches. Sans trop y croire, je dispose dans la volière des nids métalliques pour habituer les oiseaux à ce type de nichoir. Des vieux nids de merle sont également installés. Je ne dispose pas de rhododendrons et aurais bien voulu en déposer un buisson dans la volière (ce sera pour 1992) cf. note de C.ARMANI.
Fin Avril, le couple de jeunes bouvreuils semble de plus en plus en condition. Le mâle chante de longs couplets mélancoliques et flûtés, entrecoupés de grincements et de cris plaintifs. La femelle s’approche du mâle pendant que celui-ci chante à la pointe d’une branche, son comportement rappelle celui du bouvreuil pivoine, elle ouvre le bec et pousse des cris rauques. Le mâle reste imperturbable, puis disparaît dans un buisson de thuya, pour réapparaître, une brindille dans le bec. Des matériaux de construction divers sont alors suspendus dans la volière, à savoir : des fibres de coco, du crin de cheval et de vache, du poil de lapin, de la mousse séchée, des fibres de coton, de fines radicelles.Un nid à 2m de haut est finalement construit, dans un support en acier, principalement au moyen de fibres de coco. L’intérieur est tapissé de crin animal. L’ensemble est construit de façon grossière. Un premier œuf est pondu le 25 avril. La ponte se composera de 3 œufs qui seront à fond blanc tachetés de brun. On peut comparer l’œuf de bouvreuil à tête grise à un œuf de verdier européen, même couleur, même taille, même forme.
La femelle couve seule pendant que le mâle monte la garde à proximité du nid. J’effectue plusieurs contrôles sans que les oiseaux ne présentent la moindre inquiétude. A 14 jours, la femelle quitte le nid, déception les œufs sont clairs, ce qui me paraît quand même compréhensible, suite aux fausses mues surmontées durant l’hiver. Une semaine plus tard, une nouvelle ponte est commencée. Le mâle ne cesse de chanter. La couvaison dure environ 14 jours (les œufs sont laissés aux parents, et ne sont pas remplacés). Cette fois-ci, la chance est de mon coté, puisque le premier jeune de bouvreuil à tête grise vient de naître dans mon élevage. Une magnifique petite boule de duvet s’agite dans le nid. La peau du jeune tête grise est plus rose, plus claire que celle d’un jeune bouvreuil européen. Ce sera la seule éclosion malgré 100 % de fécondation A 7 jours, l’oisillon sera bagué avec une bague diamètre 2,9 mm.
L’alimentation est composée du mélange de base, de grandes quantités de graminées sauvages (laiterons, bourses à pasteur, épervières en ombrelle, etc. … ), d’insectes vivants (buffalos, vers de farine … ) et de petits limaçons. Une pâtée riche en protéines est distribuée deux fois par jour. Au 9ème jour, les choses se compliquent puisque le mâle détruit le nid et cherche à s’accoupler avec la femelle qui continue à couver son jeune. Je décide alors de le placer sous une femelle canari en nourrice afin de le préserver. Tout se passera sans problème et le couple refera une nouvelle couvée. Il est à noter que les trois pontes ont eu lieu dans le même nid, refait à chaque fois par la femelle seule.
Tandis que le jeune est très bien élevé par la femelle canari (nourrie aux pinckies), la troisième couvée voit le jour. Deux jeunes sur trois naîtront, mais faute de nourrice disponible, périront suite à une trop grande excitation du mâle bouvreuil. A environ 25 jours, le jeune bouvreuil se hasardera à l’extérieur du nid. Ce n’est qu’à 2 mois qu’il sera totalement indépendant. Je pense qu’il aurait pu être indépendant bien avant, mais par sécurité j’ai préféré le laisser en permanence avec sa nourrice.Le jeune bouvreuil à tête grise est à dominante brune, plus pâle qu’un jeune bouvreuil européen à phénotype normal, mais possède déjà un masque gris noir. Ce masque déjà bien délimité deviendra noir brillant après la mue juvénile. Le bec de l’immature est de couleur claire et se colore progressivement pour devenir noir. La queue présente déjà une implantation en dégradé. La photo représente le jeune tête grise à 3 semaines. La mue commence entre le 2ème et le 3ème mois. Les jeunes prennent leur couleur dès la première année. L’oiseau élevé est un superbe mâle.
Afin d’éviter tout risque de troubles intestinaux, je décide de ne pas colorer le jeune tête grise. Ce dernier présente un poitrail jaune orange à reflets verdâtres, au lieu de rouge orange intensif.
Les parents sont colorés artificiellement lors de la mue, mais les mâles ne retrouveront pas leur couleur originelle et resteront plus orangés. A noter qu’après leur fausse mue, les mâles étaient devenus jaunes verdâtres, comme le jeune décrit précédemment, mais cependant moins lumineux. Il semble que l’on rencontre les mêmes problèmes de coloration naturelle que ceux rencontrés chez la linotte, le sizerin ou encore le roselin.L’élevage du bouvreuil à tête grise n’est pas, à mon avis, plus difficile que l’élevage du bouvreuil européen. Le problème majeur consiste à mettre en condition les reproducteurs et à leur fournir une alimentation riche et variée.
Jean-Michel Eytorff