Expériences d’élevage avec le Verdier d’Europe (Carduelis chloris) en Mutation Ailes Grises à Bec Jaune.
Elevage, texte et photo Jean-Michel EYTORFF
(Copyright associé à l’article et aux photos publiées)
Voir naître dans son élevage une nouvelle mutation est à la fois exceptionnel, passionnant et véritablement stimulant. J’ai eu cette chance, et je propose de vous présenter mes observations sur la fixation de la mutation bec jaune chez le Verdier d’Europe (Carduelis chloris) en mutation ailes grises.
Historique
La mutation bec jaune est née dans mon élevage en 2008.
En 2007, j’accouplais un mâle aile grise (facteur dominant autosomal) avec différentes femelles de propre élevage : Verte (phénotype sauvage), Isabelle Pastel (facteur lié au sexe et récessif), Agate Pastel (facteur lié au sexe et récessif). Mon objectif initial était de mieux comprendre la mutation ailes grises et de la travailler, voire de l’améliorer.
J’ai sélectionné différents sujets ailes grises de ces accouplements et réalisé en 2008 un back cross (retour sur le père) sur deux filles elles-mêmes ailes grises. De ce trio, j’obtenais 100% d’ailes grises. La femelle n°1 éleva à trois reprises des jeunes ailes grises. La femelle n°2 réalisa 2 couvées de jeunes ailes grises également. C’est lors du baguage de la deuxième nichée de la femelle n°1, qu’un détail attira mon attention : sur trois jeunes ailes grises, un sujet présentait une couleur jaune orange sur l’ensemble de ses parties cornées (bec, pattes).
Description de la mutation
Jeunes au nid
Dès la naissance il est possible d’identifier les jeunes présentant cette nouvelle mutation, car ils ont une coloration jaune orangée du bec, leur peau est plus colorée, et l’intérieur de leur gorge est rouge orangée. A sept jours, lors du baguage, on distingue également une coloration jaune orange sur la partie interne des pattes. En fait la mutation est visible sur l’ensemble des parties cornées de l’oisillon. Au fil des jours la coloration jaune orangée du bec semble s’atténuer très légèrement.
Jeunes en plumage immature
Au nid, les jeunes en mutation ailes grises bec jaune, une fois plumés, sont sensiblement plus lumineux que les jeunes ailes grises « classiques ». Leur bec est jaune, et la couleur orangée est toujours bien prononcée à la base. A la sortie du nid, la couleur jaune du bec reste bien visible. Dans la volière, même au milieu de plusieurs ailes grises, on identifie immédiatement l’aile grise bec jaune.
Plumage adulte
Après la mue, les jeunes en mutation bec jaune ailes grises sont particulièrement lumineux et spectaculaires, car le lipochrome jaune est renforcé, et surtout toutes les zones habituellement blanchâtres sont devenues jaune doré. C’est notamment le cas du ventre. Leur bec est jaune orangé, leurs pattes ont conservé une coloration jaune.
Génétique
En 2008, le jeune verdier bec jaune aile grise s’est avéré être un mâle.
En 2009, le trio de reproducteur a été reformé. Deux jeunes en mutation bec jaune ailes grises sont nés, mais de chaque femelle ailes grises cette fois-ci (femelle n°1 et femelle n°2). Un mâle et une femelle.
Le jeune mâle 2008 bec jaune aile grise a été accouplé à une femelle aile grise d’une même lignée. De cet accouplement, deux jeunes femelles jaunes ailes grises sont nées, ainsi que deux ailes grises « classiques » normalement porteurs de jaune. Ce même mâle a également été accouplé avec une femelle verte (phénotype sauvage) et une femelle Isabelle pastel (facteur lié au sexe et récessif) d’une autre lignée. La femelle verte éleva un jeune mâle vert (phénotype sauvage). La femelle Isabelle pastel, deux mâles et une femelle aile grise
Dans un premier temps, ces différents accouplement semblaient prouver que la mutation bec jaune avait une hérédité récessive autosomale. Il fallait cependant attendre les résultats de la saison 2010 pour valider l’hérédité de cette nouvelle mutation.
Perspectives
La saison 2010 devait confirmer cette affirmation. Disposant de quelques sujets becs jaunes et porteurs, j’espérai agrandir mon stam et surtout étudier si on pouvait fixer le facteur jaune sur le vert (phénotype sauvage), ainsi que sur certaines mutations classiques (Isabelle, Agate, Brun) et nouvelles (Isabelle Pastel, Agate Pastel, Brun Pastel, Vert Pastel). Il fallait de la patience, de la chance…et je pensais alors certainement encore quelques années.
Comparaison avec la mutation jaune du chardonneret (Carduelis carduelis)
Chez le chardonneret (Carduelis carduelis carduelis), la mutation jaune est dominante autosomale alors que chez le verdier la mutation bec jaune semble être récessive autosomale. On trouve des traces de blanc chez certains sujets phénotype sauvage à facteur jaune, ce n’est pas le cas chez le verdier bec jaune. Enfin, les parties cornées (bec et pattes) sont de couleur normale chez le chardonneret, et jaune orangé chez le verdier jaune.
Comparaison avec la mutation « bec jaune » du canari couleur.
Un article paru dans le numéro 33 de la revue Espagnole Ornitologia practica sur le canari bec jaune, me semble particulièrement intéressant. Les caractéristiques de cette mutation sur les parties cornées ainsi que sur le lipochrome sont identiques à celles observées chez le verdier bec jaune. Nous sommes peut-être en présence de la même mutation.
Comparaison avec la mutation « bec jaune » du diamant mandarin.
Chez le diamant mandarin l’hérédité est également récessive. La différence est cependant importante car le diamant mandarin présente une réduction de la coloration du bec (le bec passe de la couleur rouge à la couleur jaune), alors que le canari et le verdier d’Europe voient leur bec se colorer passant de la couleur chaire à la couleur jaune. Chez le canari et le verdier ce n’est pas une réduction mais un caractère supplémentaire qui est fixé.